Les ICO vont-elles simposer en France ?
Atelier animé par Ivan de Lastours, Key Account Manager à Bpifrance Le Hub. En partenariat avec Blockchain Partner.
Intervenants : Ivan de Lastours (Bpifrance Le Hub), Claire Balva (Blockchain Partner), Domitille Dessertine (AMF), Carole Vachet (Ministère de lEconomie et des Finances), Arthur Breitman (Tezos), Frédéric Montagnon (LGO Exchange)
Linitial coin offering (ICO) est une méthode de levée de fonds à la croisée des chemins de la technologie blockchain et de linvestissement. Entre risque et rendement, où en est-on fin 2018 ? Quelle est la place de la France dans cet écosystème ?
Quel impact ont eu les ICO sur les projets entrepreneurials ?Une ICO (Initial Coin Offering) est une méthode de levée de fonds fonctionnant via lémission dactifs numériques (utility tokens). À la différence dune levée de fonds traditionnelle en venture capital (VC), linvestisseur nachète pas des actions de lentreprise quand il participe à une ICO. Les tokens ont vocation à être utilisables dans le projet financé par lICO en question, ces tokens peuvent être échangés, vendus ou détenus.
Un STO (Security Token Offering) est une méthode alternative à lICO et cest un modèle commercial qui atténue les risques pour les investisseurs. De plus, les tokens de sécurité sont essentiellement des titres financiers et sont donc protégés par des actifs corporels, des bénéfices ou des revenus de la société.
Les ICO ont permis à la fois de mettre en avant les projets blockchains et ils ont donné la possibilité de financer ces projets avec des montants plus importants quen venture capital. Cette facilité de financement permet un développement accéléré de la technologie blockchain. Le côté négatif a été la surmédiatisation qui a attiré des projets non pertinents.
Il ny pas que du mauvais dû à la médiatisation ; cette dernière a permis de mettre en lumière une méthode très innovante de levée de fonds dans lécosystème du numérique, notamment dans la blockchain. On voit à lhorizon larrivée des security token offerings (STO), qui est une piste pour réinventer la levée de fonds classique et probablement trouver une méthode hybride entre les ICO et le venture capital (VC).
Au-delà dune simple méthode de levée de fonds, les entreprises choisissent de faire une ICO pour deux raisons : comprendre leur marché et se faire connaitre. En effet, les personnes investissant dans des projets en ICO sont majoritairement de futurs clients du produit. LICO offre ainsi la possibilité de pouvoir construire un projet avec ses utilisateurs, qui seront ses clients de demain.
Cadre réglementaire et législatif, où en est-on ?La clarté règlementaire et législative est indispensable pour le sain et bon développement de cet écosystème en général. La France veut se positionner comme pionnière sur un sujet qui aura un impact majeur sur la façon de faire du business dans les années à venir et donc sur léconomie du pays.
Il existe une collaboration étroite entre les entreprises, startups et les entités publiques pour dessiner la future réglementation. Les deux piliers de ces collaborations sont :
- Limplémentation dune règlementation « ad hoc » évolutive et collaborative entre lautorité des marchés financiers (AMF) et les entreprises (startups, investisseurs, grand groupes, etc
) ;
- Le programme Universal Node to ICO Research & Network (UNICORN) qui est un système dappel à projets pour conseiller et accompagner ceux qui veulent réaliser une ICO.
La France a opté pour un visa optionnel pour les ICO dans le cadre du projet de loi PACTE, dans lobjectif doffrir une meilleure protection des investisseurs tout en permettant le développement de projets innovants en France. Compte tenu de la nature transfrontalière de ces projets, la diversité dapproches règlementaires au niveau international constitue un point de vigilance. Dans ce contexte, la coopération internationale et européenne est essentielle pour identifier les fraudes et mettre en place un cadre réglementaire cohérent.
Le projet loi PACTE, qui vient dêtre adopté en première lecture par lassemble nationale, pose le principe de la compétence de lAMF au sujet des ICO. Ainsi, cette loi permet aux acteurs intéressés remplissant un certain nombre de conditions (personnalité morale, sécurisation des fonds, lutte contre le blanchissement, vérification du « White Paper » par lAMF, etc.
) de solliciter un visa.
Le projet loi PACTE prévoit également des dispositions visant à assurer un accès non discriminatoire aux services bancaires pour les acteurs ayant un visa de lAMF, jusquà présent discriminatoire pour les projets qui souhaitaient réaliser une ICO. En pratique, une banque doit justifier un refus douverture de compte à lAutorité du Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et à lAMF. LACPR est le régulateur français des banques et des compagnies dassurance. Tout projet doffre publique portant sur un établissement financier ou sur une société contrôlant un établissement financier ou une compagnie dassurance doit lui être soumis préalablement à son lancement.
En parallèle, les autorités nationales travaillent sur un cadre comptable pour que lencadrement soit complet et satisfaisant pour les émetteurs de « tokens ». Les lignes directrices de cette nouvelle comptabilité devront être prêtes pour la fin dannée.
Quels sont les tendances des ICO ?Un constat est fait par tous les intervenants : le marché actuel des crypto-monnaies stagne, mais les technologies de rupture continuent de se développer. Les avancements technologiques de la blockchain ne dépendent pas des cours des crypto-monnaies, au contraire depuis leur stagnation les projets se sont diversifiées sur des utilisations autres que les crypto-monnaies.
Les ICO comme mode de financement demeure encore marginal daprès létude réalisé par lAMF, représentant au total 19,4 milliards deuros depuis 2014. A titre de comparaison, les ICO ont représenté 1,6 % du financement mondial en actions en 2017.
La majorité des ICO a eu lieu aux États-Unis, en France il y a eu seulement 15 ICO qui ont levé 89 millions. En matière de secteur, les projets se sont diversifiés au-delà du secteur technologique et touchent désormais les domaines de la santé, de lénergie et du commerce du détail.
Concernant le marché français, les tendances sont :
- De manière générale, les ICO sont envisagées par des start-ups, afin de développer une communauté dinvestisseurs engagés ou afin de préserver lintégrité de leur capital ;
- La majorité sont des projets technologiques qui proposent des applications blockchain ou de trading ;
- Il commence la diversification dans dautres secteurs et les projets sont plus ambitieux en termes financiers, ils espèrent collecter entre 1 et 180 millions deuros ;
- La plupart des projets dICO à venir ont déjà levé des fonds via des canaux de financement traditionnel ;
Une nouvelle méthode de financement alternative à lICO est arrivée, les STOs, cette méthode de financement permettrait de totalement délier le cours des cryptos et le développement des projets.
Cependant, les STO ne sont pas encore arrivés en France pour des raisons juridiques mais ils ont le potentiel dêtre un levier de croissance important sur cet écosystème et ils vont pas tarder à simposer dans le pays comme se fait dans le reste du monde pour les projets qui nont pas besoin dun utility token.
Conseils aux entrepreneurs dans lécosystème blockchain et pour ceux qui pensent faire une ICOSi la blockchain vous intéresse, foncez ! Que ce soit dans les domaines juridiques, technologiques ou financiers, tout ou presque reste à construire, et le secteur fait pour le moment face à des difficultés pour trouver des profils techniques.
Cependant, lICO nest pas une solution qui convient à tous les projets
Il y a des projets qui vont naturellement et spontanément devoir exister sur une blockchain parce que cest vraiment la seule manière de le faire. Par exemple, le projet Funnychain qui permettra de redistribuer largent des publicités à lensemble des utilisateurs de la plateforme, une entreprise achèterai des tokens aux utilisateurs pour ensuite promouvoir ses produits sur le site. Sans tokens, impossible dutiliser le service, qui fonctionnera sans autorité centrale.
Cependant, la plupart des projets nont pas besoin de décentralisation et une grande majorité des idées nont pas besoin de blockchain. Donc, un conseil à suivre est de ne pas essayer de coller un token sur un projet qui nen na pas besoin.
ConclusionLes ICO sont un mode de levée de fonds encore naissant et qui tend à se structurer, permettant lémergence et le financement de nouvelles entreprises de secteurs technologiques et innovants, notamment la technologie blockchain.
Au final, les succès récents observés, lémergence de nouveaux types démetteurs innovants, la démocratisation dune nouvelle forme dengagement dans un projet dentreprise pour les investisseurs, ainsi que les possibilités de désintermédiation permises par la technologie blockchain, laissent à penser quil y a de la place pour ce nouveau processus de levée de fonds aux côtés des canaux habituels
La France est un bon endroit pour se poser la question de faire ou pas une ICO et pour entreprendre dans léconomie numérique car il existe un cadre légal et tous les acteurs sont moteurs (gouvernement, investisseurs et entrepreneurs).
mots-clés : 2018, blockchain, BPI, ICO, STO.
